Tout a changé, rien ne change…
Technologie
Dans la belle question du rapport de l’homme à la technologie, de l’homme et de l’artificialité, tant a été dit. Nous, habitants du 21ème siècle héritons de tant d’avancées.
Partons du sentier, cité par Simondon comme technologie, déjà, anodine sans doute mais qui fait déjà tant. Rappelons nous les technologies qui nous viennent du fond des temps: l’agriculture, l’élevage, la cuisine et les techniques de conservations, le feu puis l’écriture. Nous, obsédés de modernité dirons : électricité, électronique, internet, intelligence artificielle. Et n’oublions pas la voiture et le lave vaisselle. N’oublions pas la comptabilité, la pilule, la transplantation cardiaque et l’anesthésie. Et la bombe atomique pour moins rire. Liste à compléter par vous de milles autres exemples.
Ecoutons Michel Serres, qui prenait un peu de recul sur la crise financière de 2008, nous expliquait qu’une “crise” est mesurable en terme de taille par la longueur de la période qu’elle clôture. Je reprends crise comme moment de fracture qui marque un avant et un après majeur. Il balaye d’un revers de la main la crise financière pour nous avertir qu’il y a bien plus puissant: fin de plusieurs millénaires d’une population majoritaire d’agriculteurs, fin de la douleur du corps, ancestrale, fin de la localisation univoque, etc.
Mon point est que le mouvement long des “technologies” est bien plus comme une vague gigantesque qui n’arrête pas de déferler et nous vivons tous dans sa frange écumeuse titanesque, qui parfois nous vient de si loin.
Le feu, par exemple, peut être pris comme une découverte majeure qui se ramifie de l’augmentation de la digestion protéinique des hommes jusqu’à la révolution industrielle puis notre apocalypse par réchauffement climatique. L’écriture comme ingrédient déterminant dans le schisme protestant puis comme support essentiel de l’éducation des masses qui aboutit à nos démocraties occidentales pour se dissoudre au 22ème siècle.
De là, le grand jeu de savoir mieux que son voisin par où la balle va passer me semble un jeu, en effet: tant de tourbillons, de ressacs gigantesques et minuscules. Je laisserai cela aux sociologues, politologues, philosophes en tout genre.
Pour ma part, j’utiliserai cette mise en perspective de la technologie comme point de repère pour nous habituer à accepter cette inconnue des temps longs. Et pour attraper au vol un autre type de question: si le but n’est pas “de mettre sa tête autour” du sujet, comment faire sens? Comment se saisir de toutes ces richesses et ces risques?
Yoga
Croyez le ou non, le yoga peut être envisagé comme une technologie: un ensemble artificiel: des principes, des instructions, des dispositifs, le tout articulé d’une certaine façon, sans doute arbitraire.
Rien, dans cette assemblage n’est stable ni univoque.
Vers l’arrière, l’enquête quant au yoga millénaire provoque un effet connu. La recherche de la pureté des origines est vue comme la remontée d’un fleuve à sa source. Problème: les concepts, les idées, les expériences que nous déterrons ne se comportent pas du tout comme prévu mais ressemble bien plus à des racines qui bifurquent, n’en finissent pas de se multiplier pour parfois bizarrement se transmuter en autre chose.
Par exemple, la “Concise Encyclopedia of Yoga” ressence plus de 300 différents sens au mot Yoga dans la littérature sanskrite. Le mot Asana veut simplement dire assis est proposé en 4 variations dans le texte revendiqué comme fondateur “Les Yoga Sutras” de Ptanajali, 5ème siècle, deviens 2100 dans “L'encyclopédie des postures de yoga” vendu 30€ ce jour sur Amazon, where else. Entre les deux, le Gheranda Samhita, des alentours de 1700 nous dit Malinson, en compte 84 millions. Le texte ne nous dit rien pour nous expliquer que seule 84 en valent la peine… “Of these, eighty-four are preeminent, of which thirty-two are useful in the world of mortals”. La plupart sont des postures assises… (Voir ici pour de jolies photos).
Vers la droite et la gauche: la compréhension de ce qu’est le yoga aujourd’hui, ici, là.